Refus d’obtempérer à Nice et usage d’armes par les forces de l’ordre

refus d'obtempérer

Les faits

Le 7 septembre 2022, une affaire de refus d’obtempérer survenue à Nice dans le département des Alpes-Maritimes a fait la une des journaux, lorsqu’un conducteur sommé de s’arrêter s’est fait abattre au volant de son véhicule par les forces de police, au croisement entre l’avenue Henri Matisse et l’avenue Edouard Grinda, en pleine après-midi.

Selon Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice, l’individu abattu, « un Tunisien […] installé dans la région depuis un an », circulait sans permis, et avait été repéré par la brigade de sécurité routière alors qu’il « zigzaguait dangereusement » sur la voie rapide contournant Nice (voie Mathis).

Alors que l’individu avait été sommé de s’arrêter par les forces de l’ordre, ce dernier leur aurait foncé dessus, provoquant un choc, blessant les occupants et endommageant leur voiture. En réponse, le policier, âgé de 23 ans, a ouvert le feu sur le conducteur.

Zied, 24 ans, en situation régulière, mais déjà connu des services de police pour de multiples délits, circulait au volant de ce qui semblait être une voiture volée, a immédiatement été touché mortellement par le tireur, sans pouvoir être réanimé par les équipes de secours. Il était accompagné par un passager, lui sain et sauf.

Dès lors, de nombreuses personnes s’interrogent sur les circonstances exactes de cet acte, et plus particulièrement, sur la légitimité de la réponse du policier, qui a été placé en garde à vue après les faits, puis mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, montrent le policier faire usage de son arme tandis que la voiture de la victime semblait redémarrer en marche arrière.

En conséquence de quoi, l’avocat de la victime a plaidé en faveur d’un homicide volontaire et le policier a quant à lui conclu à la légitime défense.

Il faudra attendre un long moment avant que toute la lumière ne soit faite sur cette affaire, les enquêtes et procédures pour de tels cas pouvant durer des mois voire des années.

Mais revenons ensemble sur ce que dit la loi en la matière.

 

Qu’est-ce que le refus d’obtempérer ?

En 2021, on comptait en France un refus d’obtempérer toutes les 100 minutes, pour un total annuel dépassant les 14 000 cas.

Par ailleurs, on compte en France environ une dizaine de décès par an lié à des refus d’obtempérer, soit environ 1/3 à 1/4 des morts d’origine policière.

Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Selon l’article 233-1 du Code de la route, le refus d’obtempérer se caractérise comme suit : « Le fait pour tout conducteur d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ».

Un tel délit est passible d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, et peut être accompagné de peines complémentaires (T.I.G, suspension ou annulation du permis de conduire, confiscation du véhicule…).

A noter que le refus d’obtempérer diffère du délit de fuite.

Le délit de fuite est défini à l’article 434-10 du Code pénal comme « le fait, pour tout conducteur d’un véhicule ou engin terrestre, fluvial ou maritime, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, de ne pas s’arrêter et de tenter ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut avoir encourue ».

Le délit de fuite suppose par conséquent de prendre la fuite en cas d’accident.

Ce délit, bien plus grave que le simple refus d’obtempérer, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

 

Que dit la loi sur l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre ?

Avec l’adoption de la loi du 28 février 2017, la législation relative à l’usage des armes à feu par les forces de l’ordre a été modifiée afin de répondre aux manifestations de policiers, consécutives à l’attaque survenue en octobre 2016 contre les forces de police circulant en patrouille à Viry-Châtillon dans l’Essonne.

En effet, auparavant, les policiers ne bénéficiaient pas d’un régime spécifique en matière de légitime défense et étaient soumis à l’article 122-5 du Code pénal, comme n’importe quels autres citoyens.

Cette modification a permis d’introduire des critères permettant l’usage de l’arme à feu par les forces de l’ordre et d’harmoniser les règles s’appliquant aux agents de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie, concernant l’usage de leur arme à feu dans le cadre de la légitime défense.

Désormais, le régime est encadré par l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure, selon lequel les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent, outre certains cas visant à disperser un attroupement, faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée à la menace, seulement dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité.

 

Refus d'obtempérer à Nice et usage d'armes par les forces de l'ordre 1 Droit Pénal

 

Naturellement, l’usage de l’arme par les forces de l’ordre ne peut se faire que dans l’exercice de leurs fonctions, et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs permettant des identifier clairement.

La notion de proportionnalité est essentielle et est appréciée au cas par cas, en fonction des circonstances.

L’absolue nécessité est également un critère essentiel.

Dans un arrêt du 18 février 2003, la Cour de cassation a défini l’absolue nécessité comme l’absence de toute autre issue possible pour l’accomplissement de la mission (Crim. 18 févr. 2003, Bull. crim. n° 41).

La Cour européenne des droits de l’homme n’a pas manqué de le souligner, compte tenu de l’importance du droit à la vie en temps de paix (CEDH 27 févr. 1995, McCann c. Royaume-Uni, req).

Dès lors, si l’usage de l’arme n’est pas absolument nécessaire, les causes d’irresponsabilité pénale tirées de l’article 122-5 du code pénal ne peuvent trouver application. Dans le cas contraire, la solution inverse prévaut.

Plus précisément, la loi distingue cinq cas dans lesquels l’usage des armes à feu par des représentants des forces de l’ordre est permis :

  • Lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie, leur intégrité physique ou celles d’autrui.
  • Après deux sommations faites à haute voix, lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu’ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées.
  • Après deux sommations adressées à haute voix, lorsque l’individu concerné refuse d’obtempérer et sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie, à leur intégrité physique ou à celles d’autrui.
  • En dernier recours afin d’immobiliser un véhicule ou moyen de transports dont les conducteurs n’obtempèrent, et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie, à leur intégrité physique ou à celles d’autrui.
  • Suite à un meurtre commis ou intenté, dans le but d’empêcher une réitération des faits.

 

C’est donc l’une de ces cinq circonstances qui devra être caractérisée pour exonérer les forces de l’ordre de leur responsabilité.

A défaut, leur responsabilité pénale et disciplinaire peut être engagée pour blessures ou homicide involontaire.

Il convient de préciser qu’un policier amené à utiliser son arme à feu dans le cadre de la légitime défense n’est pas dans l’obligation de viser certaines parties précises du corps.

 


Pour tout conseil ou assistance, Maître Alice Flore COINTET, avocat à Paris, se tient à votre disposition.


 

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